À Sunset, mon meilleur ami
- par Maery
[ TRAGÉDIE ] Il y a plus d'un an, soit le 26 Mars 2010, j'ai fait la rencontre d'un être extraordinaire qui, à première vue, n'avait guère rien d'attirant : un physique maigre, aucune humeur, mais une énergie hors du commun sous la selle. On a signé le contrat et on est parti avec lui dans une remorque.

Photo : Marie-Maxime tremblayZoom
Son nom : Rock it. Son nouveau nom : Sunset Golden Boy. Quarter Horse mélangé à de l'arabe, Palomino (presque blanc l'hiver), avec un principe de balzane à l'antérieur et deux balzanes à mi-canon aux postérieurs. Il avait le rot, mais ne tolérait pas le collier, avait un hackamore, une martingale et était monté avec la cravache et les éperons. Je n'avais pas pris le meilleur disons, lui qui avait le plus de chance de réussir. De plus, il avait un début de souffle, mais qui était contrôlable.
On a commencé et on se haïssait. On ne se comprenait pas. Il avait peur des humains et moi j'allais trop vite. Donc on est retourné à la base, on a fait du travail à la longe pendant un mois. Après, je pouvais le longer seulement avec mon corps ou ma voix. Puis, on a mis la selle, comme s'il avait été un poulain et il n'y a eu aucun problème vu qu'il avait 11 ans. Par la suite, j'ai essayé de lui mettre le mors. Ouf! Ça prenait 15 minutes le lui mettre dans la bouche. J'attachais ensuite les rênes pour ne pas qu'elles traînent au sol et je le longeais. On commençait à mieux se connaître et on travaillait régulièrement au sol. Puis, Jai commencé à passer des heures assise dans son foin et lui qui mangeait autour de moi, aussi à passer des heures couchée sur son dos ou encore à le brosser. Une amitié s'installait même si elle était très fragile.
Finalement, on a commencé le gymkhana. Il m'attendait, il me faisait confiance, mais si ma demande était imprécise, il comprenait également. C'était un merveilleux professeur, jamais il ne se fâchait contre moi. On a fait quelques compétitions cet été-là et, finalement, on s'est classés pour le Slalom Jeune, le Slalom 1D et le Barils Jeune dans les Finales régionales. J'ai même remporté le trophée en tant que recrue de l'année!
Les compétitions finies, je me suis concentrée à augmenter notre complicité chaque jour. C'est sûr que parfois, il se fâchait, il commençait tout juste à s'exprimer, car moi je l'écoutais. Il me montrait qu'il n'aimait pas le mors, il obéissait mieux au licou et à la cordelette qu'au mors. Il me montrait aussi qu'il n'aimait pas être brossé pendant des heures car, au bout de 30 minutes, il couchait ses oreilles et restait comme ça. Si j'arrêtais de brosser, il les relevait. Il préférait les carottes aux pommes, détestait les canneberges, mais adorait les chips au vinaigre! Si on le sanglait avec une sangle trop mince, il mordait dans le vide ou proche de ses épaules. Si j'essayais de lui apprendre quelque chose et, qu'au bout de quelques minutes, il n'avait toujours pas trouvé ce que je voulais, eh bien il arrêtait de bouger et pointait les oreilles.
Pendant l'hiver, j'ai pu lui apprendre à exécuter la jambette, le pas espagnol, la cordelette, la révérence, les pivots, le rassemblé au trot, le plaisir de s'amuser et de ne pas travailler. On a fait les sept jeux Parelli, des randonnées (il détestait ça au début et se cabrait à chaque pas!). Bref, on était tellement proches!
Lorsque rien n'allait, il était là : il était tout simplement le fondement de mon existence. Je le montais sans selle et sans bride. Juste nos corps. Pas de licou, pas de cordelette. Rien. Il m'écoutait. Il attendait voir ce que je lui disais avec ma voix ou bien mes jambes. Je pouvais fermer les yeux et je n'avais pas peur, j'étais juste bien en parfaite harmonie avec cet ami, cette magnifique bête.
Si quelqu'un d'autre le montait, il sortait son épaule, faisait à sa tête, s'encapuchonnait (même avec les mains très douces) et partait où il le voulait et à la vitesse qu'il le voulait. Rien à faire. Il bottait des postérieurs si ce n'était pas moi qui faisais ses pieds. Il faisait semblant de mordre si on ne le sanglait pas comme il voulait. Il essayait de se lever quand on lui jouait dans la bouche, mais seulement si ce n'était pas moi. À moi, il donnait tout.
Jusqu'à ce 28 Juin 2011 où tout s'est écroulé, où la base de mon existence s'est effondrée, où je suis tombé en chute libre vers le plus grand deuil que je pourrai faire de ma vie. Trois imbéciles ont décidé d'incendier l'écurie où cinq chevaux se reposaient tranquillement après une belle journée. Après une compétition, j'ai eu un appel de mon amie qui me disait que l'écurie était en feu. J'ai ri. Je croyais que c'était une blague jusqu'à ce que j'entende sa mère pleurer au téléphone.
La voiture n'a jamais roulé aussi vite. J'ai prié tout le long de la route et, arrivée sur les lieux, j'ai tout simplement paniqué. J'étais en état de crise, en voyant les pompiers, les policiers et la fumée sortir. En attendant des voix lointaines dire que tous les chevaux étaient morts asphyxiés, je n'ai jamais crié autant de douleurs. On m'aurait cassé une jambe et ç'aurait été moins souffrant. Mon amour, mon meilleur ami, ma moitié a péri dans un incendie déclenché par des imbéciles sans cœur. Trois jours plus tard, les corps ont été sortis de l'écurie pour être transférés dans un endroit pour les animaux. J'ai eu le droit de voir celui de Sunset. Jai pu le caresser, voir son corps froid durci et son visage écorché. J'ai pu voir le sang sortir de sa bouche et son corps tout gonflé. Même si certains penseront que je n'aurais pas dû, moi je vous dis que j'ai bien fait, car ce fut mon dernier au revoir.
Je n'ai pas mangé pendant une semaine. Après je me suis remise tranquillement, puis j'ai rechuté. Pas de nourriture pendant une semaine encore. Encore aujourd'hui, j'ai souvent des moments plus durs. Je pleure souvent, mais je m'en sors peu à peu. J'aurais tout de même préféré être à la rue et sans nourriture que d'avoir perdu mon cheval.
Je t'aime Sunset, tu seras irremplaçable même si j'ai un nouveau cheval. Tu es et tu seras toujours le meilleur. Je m'ennuie tellement de toi et ce texte t'est dédié.
Note : Si des opinions sont émises dans ce texte, elles ne reflètent pas nécessairement les opinions de poneyxpress.com.
Par golini
Par naturalgal
Par Valentines
Soit forte, je suis de tout coeur avec toi !
Par plume28
Par ginginger
Par 3allures