Une fillette et sa ponette fourbue
- par Sandrine.
[ FAIT VÉCU ] 24 juillet 2001, jour de ma fête. Ayant la chance d'avoir des parents agriculteurs et producteurs laitiers, j'avais l'immense joie de découvrir que mon cadeau de fête était mon premier poney. « C'est toi qui décide comment on l'appelle! » me dit mon père. « Caramel, mais avec ''lle'' parce que c'est une fille. Caramelle! ».

Photo : Katrine RicherZoom
La même année en maternelle, j'ai passé plusieurs minutes à obstiner ma professeure qui me disait que j'avais fait une erreur dans mon texte, que le mot « caramel » était un nom commun et que dans le dictionnaire il n'y avait qu'une seule façon de l'écrire. Mais j'étais tenace : « Non! C'est un nom propre, les noms propres ne sont pas dans le dictionnaire et on les écrit comme on veut! C'est Caramelle son nom! ».
Eh bien, Caramel« l-l-e » était aussi tenace que moi.
Au printemps 2006, Caramelle a fait une première crise de fourbure aiguë. Probablement à cause de la jeune herbe qui est hypercalorique. On s'est renseigné auprès de professionnels et elle était suivie par un bon pareur naturel. Elle a réussi à reprendre le dessus et la fourbure était partie.
Printemps 2007, une seconde crise de fourbure aiguë... On fait doublement attention pour le prochain printemps, on fauche le pâturage au complet et on nourrit au foin sec.
Printemps 2008, troisième crise de fourbure malgré les efforts de prévention... Il se trouve finalement que la première fourbure aiguë était grave au point d'avoir endommagé la phalange distale. C'est en fait une fourbure chronique. C'est permanent et on va devoir toujours être en mode prévention pour éviter que des épisodes de douleur aiguë ne réapparaissent. C'était parfois difficile, devoir limiter son appart calorique quotidien en l'affermant dans un boxe, l'obliger à marcher fréquemment, suivi strict avec le pareur, butazone lors de crises de douleur...
Au fil des années les périodes de rémission étaient de plus en plus courtes et de moins en moins présentes. Lors d'une fourbure chronique, quand la phalange est endommagée, ça va rarement en s'améliorant. Effectivement, malgré le suivi strict avec le pareur, il était possible d'observer une déformation du sabot. Je me voyais donner de la butazone de plus en plus souvent et ma ponette se levait de moins en moins, la position debout étant trop souffrante. La douleur était pire dans les antérieurs, elle se levait donc par les postérieurs et pouvait rester quelques minutes dans la position à genoux. Position qui n'est pas naturelle chez les chevaux, mais Caramelle trouvait trop difficile de relever ses postérieurs...
En 2014, ses sabots sont complètement déformés. Elle reste couchée tellement souvent qu'elle mange moins. Elle a beaucoup de difficulté à se lever. Elle prend de la butazone tous les jours et elle a tout de même mal. Lorsqu'elle arrive à se lever, elle peine à marcher, n'arrivant pas à mettre du poids sur ses antérieurs. Un pas à la fois et très lentement, elle marche comme sur des œufs. Lorsqu'elle se tient immobile, tout son poids se concentre dans ses postérieurs. Ce, malgré les antidouleurs. Je dois me rendre compte de l'évidence : cela fait plus de 8 ans que Caramelle vit avec une fourbure chronique qui s'exacerbe malgré les traitements.
La décision me revient, mais elle est impossible à prendre. À tous les jours, lorsque je la regarde, je vois comment elle est mal en point. Je sais que ça ne s'améliorera pas. Les professionnels sont d'avis qu'il est temps... Je prends finalement une décision à l'été 2014.
Le jour J, je la gâte. Je l'amène dans un grand champ de longues herbes où elle peut manger, enfin, autant d'herbe qu'elle le souhaite. J'enlève son licou pour qu'elle puisse être libre pendant son festin. Puis, le vétérinaire arrive et nous devons nous dire au revoir... À ce moment, je ne sais toujours par si j'ai pris la bonne décision.
Aujourd'hui, en 2019, je ne le sais toujours pas. Lorsque nous devons prendre une décision quant à la vie d'un être vivant, ça pèse lourd, même des années plus tard.
Une chose est sûre, c'est qu'aujourd'hui elle n'est plus dans la souffrance et elle est toujours dans mes souvenirs. C'est mon premier poney et elle est restée à mes côtés pendant 13 années, mais j'aurais aimé qu'elle soit encore à mes côtés aujourd'hui.
Avez-vous été confronté à la fourbure chronique également?
Note : Si des opinions sont émises dans ce texte, elles ne reflètent pas nécessairement les opinions de poneyxpress.com.